À la fin du mois, The Howlers, un groupe de desert rock de l’est de Londres, dévoile son premier EP, The Sum of our Fears. Pleins de titres absolument excellents, on ne pouvait pas résister et on a sauté sur l’occasion pour échanger quelques mots avec Adam Young, guitariste et chanteur. Review. Interview.
REVIEW
Faire face à ce qui nous fait flipper n’est jamais facile. Le mettre en musique non plus. Et le faire en cinq titres énergiques, optimistes, vifs et profondément rock, encore moins. Pourtant, les Londoniens de The Howlers ont fait exactement ça avec The Sum of our Fears. L’EP est un pur bonheur pour les amateurs de riffs forts. Ultra propre (et pour cause, Third Man Records est impliqué dans le processus), cet EP est trop court ! Le passer en boucle devient une obligation… que l’on suit avec un plaisir non dissimulé. L’addiction est disponible le 26 août sur toutes les plateformes. À ne pas manquer.
En écoute: Never Enough – The Howlers
INTERVIEW
Unis Son : Votre EP The Sum Of Our Fears a quelque chose de plutôt optimiste même si les thèmes que vous abordez ne sont pas toujours positifs. Est-ce que c’est la somme des peurs du groupe ?
Adam Young : Oui. Le titre c’est un peu comme la définition de tout ce qui te fait peur et qui pourrait arriver quand tu es un artiste. Ton art ne touche pas les gens, des trucs comme ça. C’est de là que ça vient et on a écrit un titre, le titre éponyme, avec ce titre qui semblait… Soyons honnêtes c’est juste que ça sonnait super bien. Ça sonnait bien, genre je pourrais te donner une explication super bobo de pourquoi on l’a appelé comme ça, mais effectivement, cet EP est optimiste même si certaines chansons ne le sont pas. Mais oui je ne peux pas expliquer mieux que ça. Ça sonne juste bien.
US : En effet, et il est très énergétique aussi. J’aime beaucoup. Vous êtes techniquement un jeune groupe, n’est-ce pas ? Formé juste avant la pandémie…
AY : Ouais, on a sorti notre premier single en Juin ou Juillet 2019, et on a fait des concerts deux ou trois mois avant ça, et après la pandémie est survenue début 2020. J’ai eu un rendez-vous avec quelqu’un l’autre jour, un label, et ils m’ont littéralement dit : ‘à y penser vous êtes un groupe qui n’a que 9 mois’ et j’étais ‘ah ouais en vrai, c’est fou !’ Mais dans ces 9 mois, ou cette année, ou peu importe, on a fait 56 concerts ou quelque chose comme ça, ce qui est beaucoup. On est un groupe naissant, si on veut, mais on a traversé beaucoup de choses. Plus que la majorité des groupes en plusieurs années. C’est un peu, tu apprends à nager ou alors tu sombres. Et ça fait peur. Mais c’est génial parce que j’adore le challenge.
US : Comment c’était de créer pendant le confinement et la pandémie ? Parce que c’est visiblement différent du moment où vous tourniez juste avant que ça arrive, quel est votre ressenti vis-à-vis de ça ? Comment vous avez géré ?
AY : En fait, pour nous la pandémie était un peu un cadeau caché inattendu bizarrement. Quand la pandémie est arrivée, on a pris notre vielle setlist et on l’a jeté par la fenêtre, on était genre ‘c’est de la merde en vrai’. Ça prend beaucoup, pour un groupe, de se regarder dans la glace. Pour nous c’était une expérience très cathartique, on est passé par beaucoup de choses émotionnellement et durant la pandémie on a en quelque sorte utilisé ce temps pour réfléchir à nos liens, l’aspect familial de ce qu’on veut que le groupe soit. C’est une extension de nos familles, notre équipe. C’était un peu difficile au début mais je crois vraiment dans le fait que si tu veux que quelque chose arrive, tu dois dépasser tous les obstacles. Pour écrire un EP, on s’est isolé, dans notre propre petit bulle, et on passait nos journées complètes ensemble, dans cette bulle isolée dans Londres… En y repensant c’est sans doute un des meilleurs moments que j’ai pu passer. Une semaine où juste de 9h du matin à 11h le soir on faisait de la musique dans cette boîte sans fenêtre dans une vieille usine. J’ai probablement chopé une maladie horrible à cause de la poussière dans l’air, et les toilettes n’étaient pas tops, mais c’était génial, vraiment génial. Mais je dirais que ça a été difficile aussi sur d’autres aspects.
US : Vous faites du desert rock. C’est votre genre, si on peut mettre une étiquette tout ce qu’on écoute, cependant il n’y a pas de désert à Londres, du coup qu’est-ce qui vous a poussés vers ce genre et quelles sont vos influences ?
AY : En gros, on s’est estampillé avec le terme de desert rock… enfin estampillé, il a été utilisé plein de fois par Queens Of The Stone Age et des gens comme ça, mais on l’a utilisé pour décrire notre iconographie en tant que groupe et notre imagerie. C’est aussi ce qu’on ressent par rapport à Londres qui devenait une sorte de désert culturel, d’une certaine façon. Tout était aseptisé, genre la gentrification et le fait que c’est très fracturé en termes de scène, et on n’a jamais voulu faire partie d’une scène inclusive à Londres parce que tu te fais aspirer là-dedans et après tu vas dans des sortes de groupes prétentieux du genre, tu sais, post-punk, et tu sais, on n’est pas ça. Naturellement, nos influences sont un peu mélangées. On est à fond dans les westerns spaghetti, parce qu’ils sont incroyablement ridicules. Ils sont juste stupides et fun à regarder et les bandes-son sont géniales. C’est un peu comme ça qu’on a commencé, genre en prenant des éléments des bandes-son et les mettre dans de la musique britannique, et ça s’est développé pour aller dans un son unique à nous. Ouais, du coup le desert rock est juste fun à dire quand les gens te demandent quel style de musique tu fais, que t’es là ‘desert rock’ et ils sont en mode qu’est-ce que c’est que ça ? Mais évidemment les influences viennent de Sergio Leone et tout. J’ai tellement de vinyles de toutes ces bandes-son de western spaghetti que j’écoute tout le temps.
US : Vous avez une tournée qui débute en novembre, avec une date à Londres le 3 Décembre. Qu’est-ce que vous allez faire après ça ?
AY : Rouler sous la table. Nan, j’aimerais… on fait cette tournée genre… Elle a été décalée et décalée, et décalée, et décalée, et décalée… et un jour notre agent est arrivé et nous a dit ‘je NE la décale PAS de nouveau, vous la faites !’ On était tous ‘ouais ! génial’. Elle arrivera quoi qu’il arrive. On a fait un pas en arrière pour la tournée et travaillé sur plusieurs choses dans les coulisses. Et juste, grandir et se développer, c’est ce qui est cool quand t’es dans un groupe. Tu dois continuellement pousser tes possibilités et les limites de ce que tu sais. Quand on a commencé le groupe j’étais un guitariste horrible, je suis un guitariste médiocre maintenant, mais à la fin du tour je devrais être passable, genre, correct. Même quand tu enregistres, il y a des moments ou t’es juste genre ‘je peux pas faire ça, je ne peux pas faire cet accord que tu veux que je fasse.’ Mais c’est ça être dans un groupe, grandir et ainsi de suite tant qu’on évolue, qu’on rencontre de nouvelles personnes… Jouer un gros concert à Londres serait génial. Mais je serais plus qu’heureux si le Lexington est complet. C’est tout ce qui compte, vraiment, le fun.
US : Est-ce qu’il y a des groupes pour lequel vous aimeriez faire la première partie ?
AY : Oh, y en a plein. On a de vraiment bonnes relations avec de nombreux gros groupes et gros managers, mais je pense que pour nous le groupe parfait de qui on aimerait faire la première partie, en termes de son et d’esthétique, ça serait un groupe comme Black Honey. On est très similaire genre sur la façon d’apprendre de nos difficultés et nos personnalités. Ça serait fun. Ils sont assez spécifiques sur quel genre de groupes ils veulent en première partie et on n’est pas encore réellement dans cette catégorie-là. Mais oui, un groupe comme ça serait vraiment bien. Après, je ne suis pas dans le ‘oh ouais j’aimerais être la première partie de gros groupes, genre U2, à travers le monde’… Genre, je suis pas intéressé par ça. Si tu ne peux pas voir la personne au premier rang, où est le fun ?
US : Est-ce que tu as des souhaits ou des espoirs pour le futur de l’industrie musicale, qui change extrêmement rapidement ?
AY : Je pense que pour moi, j’aimerais que l’industrie de la musique soit plus inclusive. Je pense qu’il y a définitivement eu des améliorations positives et je pense aussi que c’est toujours un grand nombre de vieux gars, disons-le, qui sont toujours à s’accrocher à certains aspects du passé. Je pense que lorsqu’on en vient à l’industrie de la musique, c’est une forme d’art, tout le monde peut venir mais en même temps il y a cette grande forme de compétition sous-jacente, et je pense que c’est bien d’en avoir mais ça peut vite devenir toxique. Du coup je veux juste que les gens se soutiennent plus de manière générale. Mais ouais, c’est la musique quoi, tout le monde y passera, c’est les arts.
US : Qu’est-ce que tu dirais à un fan de musique, ou de n’importe quelle forme d’art, qui est apeuré de la pandémie et du changement climatique ?
AY : De la pandémie je dirais, la vie est trop courte pour se préoccuper de chose comme ça, tu sais. Tu peux chercher des trucs, être en sécurité et sensible et propre, tu peux toujours être bien quoi qu’il arrive. Ma famille a souffert du pire de la pandémie, donc je regarde l’ensemble et je me dis : ‘qu’est ce qui pourrait être pire que ce qu’on a vécu ?’ Et tu sais, j’ai des membres de ma famille très à risque pendant des années, on les a protégés de la pandémie d’une façon similaire à ce qu’on faisait pour les rhumes et la grippe, donc ce n’était pas nouveau pour moi. Du moment que tu es responsable et que tu as, tu sais, du sens commun, tu peux toujours trouver de quoi t’éclater. On a joué dans un festival récemment et les gens portaient toujours des masques et gardaient leurs distances, des choses comme ça. Pour ce qui est du changement climatique, je pense que notre génération en particulier est très consciente du climat. Et que tout ce qu’on peut faire c’est continuer d’être, de comment on grandit dans ce monde et savoir que la planète est délicate, les choses comme ça. Continuer de faire ce qu’on fait, on va devoir faire face à la génération de nos parents malheureusement. Ils sont les gens au pouvoir, ils sont ceux qui dictent les lois, et tant que notre génération n’a pas ces positions, on est dans une sorte de jeux d’attente. Et je crois vraiment que notre génération va être celle qui devra faire les sacrifices pour les générations futures. On a une responsabilité qui est cassée, façon de parler, et on doit la réparer. Je pense que c’est juste le début. Je pense que la vie est trop courte, que tu dois toujours t’amuser et essayer de ne pas trop t’en faire à propos de trucs.
US : Vous avez, pour cet EP, un vinyle en édition limitée chez Blood Records qui sera disponible en novembre. Est-ce que c’est quelque chose que vous aimeriez refaire, les éditions limitées d’un vinyle ?
AY : Ouais, définitivement, on a une très bonne relation avec Blood Records. Pour nous avoir cette opportunité, c’était juste complètement fou. Genre, ils font des artistes tellement gros et on n’est pas un groupe avec un label, on s’autoproduit. On a tout autour de nous, mais le label, c’est la dernière pièce du puzzle. Et autoproduire une édition limitée comme ça c’est fou. Mais ouais, on a quelques trucs de prévus qui viendront plus tard dans l’année. J’aime l’idée de donner quelque chose aux gens qu’ils peuvent garder. Mais ouais, j’aimerais le refaire. S’ils veulent bien de nous.
US : Ouais, j’apprécie aussi que tu puisses regarder un superbe objet pendant que tu l’écoutes. Et c’est plus facile pour nous de vous soutenir, quand on a quelque chose de physique avec vous dans un sens. Je préfère un vinyle à une cassette par exemple.
AY : Avoir les choses en vinyle est un peu un rêve qui devient réalité pour nous; et en réalité la copie que j’aurais, je vais l’encadrer, je ne vais même pas l’écouter. Je préfère avoir cet accomplissement sur mon mur. J’ai un diplôme, mais je l’ai pas accroché mais j’aurais volontiers ce bout de plastique sur mon mur. Ça signifie tellement plus pour moi. J’ai le sentiment que tu as ça plus avec les vinyles qu’autre chose. Les vinyles m’hallucinent toujours. Mon frère est venu l’autre jour et, très naïvement, il n’avait jamais vu de platine vinyle et je lui montrais et il était genre ‘mais comment ça joue ce son ?’ et j’ai dit ‘mec, je comprends pas vraiment, tout ce que je sais c’est qu’il y a des creux et des petites bosses dedans et ça le joue’ il était encore ‘ouais mais comment ? ‘ ‘Je sais pas, c’est un miracle, genre, c’est génial, ne cherche pas la science là-dedans, juste écoute et profite de l’odeur et du son, le léger tremblement de la table’ c’est juste un bout du voyage, qu’on n’a pas sur les autres plateformes. J’ai tellement de vinyles ici, près de 1000 partout dans l’appartement. J’étais DJ, et encore un peu maintenant aussi, du coup j’ai récupéré des trucs bizarres, mais ouais, j’ai une connexion avec. J’ai tellement trop de vinyles, j’arrive pas à les virer. Quand j’ai des gens qui viennent, je leur donne des vinyles. Genre, de la funk Belge, juste, prend le mec. Mais c’est un vinyle ? Ça m’a coûté 50 centimes donc prends-le. J’ai quelques trucs français incroyables, de la psyché, quelque part. J’ai acheté ça parce que la pochette était superbe. Je l’ai mis sur la platine et c’était immonde.
US : J’ai une dernière question, et c’est la plus difficile: quel est ton premier souvenir musical ?
AY : J’en ai plusieurs en fait. Je peux pas me rappeler lequel était le premier, parce qu’ils étaient tous autour du même moment. Mais je réduis toujours à trois moments musicaux dans ma vie qui ont défini mon amour pour la musique. Le premier, je pense que c’était le premier, c’est ma mère et mon père qui avaient cette chaîne hi-fi dans le salon. Et mon père avait cette casette de Madness, et quand il cuisinait il avait l’habitude de la mettre, et dans la maison, tu pouvais marcher un peu en rond, et mon père avait l’habitude de mettre la cassette, sauter partout en chantant dans son pantalon baggy, et il allait cuisiner et faire le cercle inverse juste en boxers et ma mère le regardait en ‘qu’est-ce que tu fais ?’ – Et c’était fou pour moi de voir quelqu’un si passionné par la musique… Un autre souvenir, à peu près le même moment, c’est avec mon père de nouveau. On était dans la voiture, un vrai tas de ferraille qu’on avait, et il n’y avait pas d’autre musique que Genesis dedans. Et il y avait cet unique CD et j’étais genre ‘c’est quoi ?’ il a dit ‘Motörhead’, et je l’ai mis et c’était Ace Of Spade. Et je suis tombé amoureux avec cette chanson. Je l’ai joué en boucle encore et encore. Ça le rendait fou, pendant le voyage, et j’étais là ‘allez, on l’écoute encore, et encore’… Et il y a cet autre souvenir, qui, je dirais à compléter mon amour pour la musique. C’était… il y a à peu près six ans, mon oncle est décédé. Quelques années auparavant il m’avait envoyé un CD qu’il avait fait lui-même et il avait écrit dessus ‘J’ai entendu que tu avais de très bon goût en musique maintenant, tu devrais aimer ça’. Je l’ai mis dans mon PC, et il marchait pas, et j’étais ‘oh…’ et je l’ai laissé sur une étagère, parce que c’est un cadeau tu vois, je vais pas m’en séparer. Les jours passent, ma mère vient et me dit qu’il est décédé et tout ça. J’ai été droit dans ma chambre et j’ai essayé de trouver le CD. Je sais pas pourquoi j’ai fait ça, mais je l’ai mis dans mon PC et il a fonctionné. Dessus, il y avait tout des Jam, tout des Clash, Sex Pistols… Du coup ça signifie beaucoup pour moi aussi, et j’ai toujours ce CD quelque part. Et personne ne me croit quand je dis ça ! Mais c’est sincèrement arrivé, mec !
On doit l’admettre, on a eu un peu peur pour Adam, car quelques jours après notre entretien, il a souffert d’une ischémie cérébrale transitoire alors qu’il était sur la route. Heureusement, il est maintenant hors de danger et on espère qu’il remontra sur scène vite avec ses comparses. On tient à remercier Adam d’avoir répondu à nos questions, ainsi que Julie de DawBell pour cette opportunité.
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