Elizabeth S.

Elizabeth S.

Gather Love

(Klanggalerie)

Elizabeth S. aura attendu bien longtemps avant de sortir son premier album. Collaboratrice par intermittence de Eyeless In Gaza, formation culte des années 80, composée par son mari Martyn Bates et Peter Becker, Elizabeth S. livre un monde étrange et fascinant, dont le premier titre en guise d’ouverture, tout en chaos bruitiste, ne sert qu’à brouiller les pistes, avant d’enchainer une sucession de morceaux d’ambient folk déchirants.

Habité de fantômes et du temps laissé derrière elle, l’artiste fend l’espace de sa voix gorgée de tristesse et de tremblements spectraux, enrobée de mélodica, de field recordings, de percussions lo-fi, de pianos étéhrées et d’électronique brumeuse, donnant vie à un univers pris dans un no man’s land aux lumières rasantes.

Le minimalisme de la production laisse la place à la voix modulante d’Elizabeth S., naviguant sur des eaux calmes bercées de clapotis abstraits à la poésie captivante.

Gather Love est un album singulier aux allures de journal intime, hommage à sa mère chanteuse d’opéra, atteinte d’alzheimer, ode à la jeunesse disparue et aux frontières temporelles recouvertes de poussière. On se sent littéralement happé par cette musique sortie d’une quatrième dimension tourbillonnante, havre de paix parsemé de dangers et de déviances, conte fantastique à l’intensité viscérale. Ensorcelant.

Roland Torres