Il n’y avait rien, absolument rien qui nous séparait d’un show télé à grand déploiement des années 70, hier soir, au Club Soda pour la rentrée montréalaise des Hay Babies. L’album Boîte aux lettres était tout juste sorti, en 2020, puis la pandémie jetait le couperet sur ce qui aurait pu être une tournée fabuleuse pour le trio néo-brunswickois. Heureusement que ce n’était que partie remise. Tout ça pour dire: on l’attendait depuis longtemps la soirée d’hier avec elles.
Quand j’entre au Club Soda, je me sens à la maison et c’est probablement parce que Les Hay Babies m’ont accompagnée chez moi durant toute la pandémie. Plongée de manière intense et sérieuse dans leur album pandémique et l’histoire de Jackie, j’ai ensuite renoué comme jamais avec La 4e dimension (version longue) paru en 2016 et puis avec leur premier album, Mon Homesick Heart (2014). Étrangement, toutes les fois où le cœur faisait défaut, pendant les mois de solitude de confinement, un pansement étanche se trouvait dans les paroles d’une de leur chanson. Après tout ça, le bien-être de septembre en leur compagnie est donc réel: on reçoit sur scène toutes les lettres qu’on aurait voulu s’écrire.
Vivianne Roy, Julie Aubé et Katrine Noël lancent leur soirée avec Californie et Fontaine à vœux. Habillées comme des reines et placées dans leur décor de type «probablement complexe à déplacer», elles incarnent toute la fougue entendue sur disque depuis la parution de leur troisième album.
Le spectacle, comme l’album des Hay Babies, contient un maximum de phrases savoureuses telles que «moi j’veux juste un homme que j’peux compter dessus». Avec simplicité et vérité, elles posent les vraies questions: est-ce que je peux compter sur toi?
Les filles nous expliquent l’histoire de Jacqueline, à la base du concept général de l’album de 2020. «À Moncton, tout le monde sait qu’on aime ce qui est vintage et on nous a invitées dans une vieille maison pour trouver du attic stuff», raconte Vivianne. Et c’est là qu’elles ont découvert un sac à pain rempli de lettres et de cartes postales de la fameuse Jackie, déménagée à Montréal, écrivant à sa mère au Nouveau-Brunswick dans les années 60-70. «Des fois, il y a quatre gars dans la même lettre… du juicy stuff! Jacqueline découvre le yogourt, aussi», ajoute-t-elle.
Elles font défiler toutes les chansons qu’on aime le plus, tous albums confondus. Avec Motel 1755, les filles nous racontent leur rencontre avec Katrine, à 16 ans. Elle vivait dans un hôtel, mais tout était correct parce qu’elle vivait «à côté de la beach».
Le positionnement des trois micros côte à côte embrasse l’aspect rétro, magnifié par les éclairages flamboyants d’Arnaud Belley Ferris et la mise en scène rigoureuse de Navet Confit. «Ça fait des années qu’on rêve d’avoir un show qui se tient deboute», disent les filles, satisfaites.
Il n’y a honnêtement que des hits dans ce show. 2 sandwiches, Des fois j’me demande, Same Old. Un rappel doux avec La poule aux œufs d’or. Le rock rétro et les réflexions poétiques douces s’entremêlent en beauté avec Pierre-Guy Blanchard (percussions et claviers) et Anne Frances Meyer (flûte traversière).
Le féminisme se dresse au cœur de leurs propos de manière tantôt poétique, tantôt rentre-dedans. On est tellement plongés dans une vibe de «femme forte avant son temps» qu’on a l’impression que France Castel va débarquer dans le show à tout moment. Simplement avec Still pareil, tirée de La 4e dimension où l’on parle d’un chum toujours parti, mais surtout, du fait de ne pas vouloir d’enfants. «Si tu joues avec moi, tu joues avec le feu», lancé avec les trois voix d’un même souffle de mise en garde, la désinvolture dans «y’est almost minuit, j’suis-tu la femme de ta vie?» et l’indépendance de «la vie continue pour les vieilles filles». Tout est là. Longue vie à Jackie!