La COVID-19, le manque à rattraper au travail, les couples qui se sont déchirés en confinement, les élections, le fait que le Québec ne sera probablement jamais un pays, le drame des pensionnats, la Terre qui se réchauffe, l’humanité constamment en guerre et les milliardaires dans l’espace… Ça n’a pas été l’année la plus facile et ce n’est pas dit que les choses vont aller en s’améliorant.
On est dans une époque où c’est difficile de ne pas tomber dans le cynisme, l’apathie ou carrément la dépression. Se sortir de ça n’est pas évident non plus. Voir la lumière émerger de la craque dans le mur prend le double d’effort tant ça ne fait qu’aller de mal en pis. Qu’est-ce qui nous reste d’assez positif pour nous permettre de flotter un peu plus longtemps la tête hors de l’eau? Petite-Vallée!
Crédit photo: Alexya Crôteau-Grégoire
Jour 1
Zachary Richard dirait que tout ce qu’on peut faire c’est «travailler pour l’espoir». Voir ce géant de la culture acadienne nous dire «qu’à chaque fois que quelqu’un pose le couvert sur le cercueil du français en Louisiane, le cadavre se relève et demande une autre bière», mettait la table pour un séjour qui ferait du bien à l’âme.
C’est l’effet qu’a Petite-Vallée: il reste de la beauté à voir et surtout des gens qui cultivent cette beauté. On peut dire ce qu’on veut, arriver à un festival où il y a autant de festivaliers que de fous de Bassan, ça donne un bon coup de pied dans la gorge de ton cynique intérieur. Le cynique va aussi avoir de la difficulté à se relever après avoir été au spectacle Déferlante autochtone. Réunissant Maten, Ninan, Scott-Pien Picard, Pascal Ottawa et Bryan André, la soirée avait une ambiance électrisante. Voir tous les participants réunis entonner Ekuan Pua de Philippe Mckenzie a mis un sourire dans le visage de tout le monde. Ça n’a pas été long par la suite avant que démarre les «makushams», grandes fêtes de fin de semaine de tradition autochtone. À Petite-Vallée, tout est tellement familial et sans pression. On a vu Paul Piché et Émile Bilodeau entrer dans la danse aux rythmes des tambours de Maten avec les solos du guitar hero d’Ivan Boivin Flamand. Maudit que, des fois, ce sont les choses les plus simples qui sont les plus belles. Comme sortir, la tête pleine de chansons à 2 h du matin et voir des aurores boréales.
Crédit photo: Alexya Crôteau-Grégoire
Jour 2
Au jour 2, on a pu profiter de l’après-midi. Pour tous les festivaliers, le fait d’avoir le temps veut dire deux choses: marcher sur le bord de la mer et aller dans l’shed. Pour la première, l’air marin a des propriétés d’encouragement et le festival a ce côté magique qui permet de croiser la légende Rick Haworth sur les galets. Pour la seconde, c’est dans une shed près de déborder qu’on a pu voir Bonbon Vodou, Franky Fade, Marc Hervieux et Paul Piché revisiter des chansons de leur répertoire en formule americana.
Crédit photo: Alexya Crôteau-Grégoire
Juste le temps de se trouver un lift pour assister à un improbable, mais captivant spectacle de danse contemporaine avant de filer voir le spectacle en hommage aux passeurs Émile Bilodeau et Paul Piché. À ce moment, ton cynique intérieur se dit qu’il a peut-être une chance de se relever, mais mauvaise nouvelle, tout un village l’attend pour le faire rebrousser chemin. Lors des hommages de Petite-Vallée, tout le monde se réunit pour mettre la main à la pâte. Il y a des petits et des grands, c’est du théâtre, de l’humour et surtout ben de la musique. C’est le père d’Émile qui se déguise en ado de 16 ans pour chanter les premières chansons de son fils, c’est Manuel Gasse qui reprend Heureux d’un printemps à la sauce humour noir et lendemain de COVID et c’est surtout un moment rempli d’amour.
Crédit photo: Alexya Crôteau-Grégoire
Juste le temps de souper et on file au spectacle principal de la soirée. La machine à hit Émile Bilodeau et ses musicien.nes sont en grande forme. La foule décolle dès les premières notes. On enchaîne les J’en ai plein mon cass, Candy et la Jungle du capital pour conclure sans surprise avec Ça va qui permet à tout le festival de s’époumoner en chœur.
Crédit photo: Alexandre Cotton
La soirée déjà bien entamée, on termine ça du côté d’O.G.B qui fait lever le public dès les premières lignes de basse. Les gars sont contents de jouer à Petite-Vallée et ça parait. Le parterre se transforme rapidement en plancher de danse pour le mélange de jazz et de hip-hop du groupe.
Jour 3
Le dimanche, c’est Salomé Leclerc qui ouvre le chapiteau de la vieille-forge en présentant les pièces de son dernier disque Mille ouvrages mon cœur en formule duo avec José Major. C’est toujours un plaisir de voir Salomé en spectacle avec son énergie contagieuse et ses histoires de vélo-chainsaw dignes de Boris Vian. Même si l’ambiance feutrée de la salle a eu raison d’un spectateur assis dans le fond de la salle qui est tombé au combat, il a continué à taper du pied au rythme de la foule en dormant. Encore une fois: des moments improbables et imprévus à Petite-Vallée.
Crédit photo: Alexandre Cotton
Ce qui était prévu, par contre, c’était que le spectacle de Paul Piché commencerait en retard. Comme pour donner raison à tous ceux qui l’ont taquiné là-dessus durant son hommage, le chanteur a débuté son set près de trente minutes plus tard que l’heure prévue. Cela dit, la foule ne lui en a pas tenu rigueur pour une miette, ne se faisant pas prier pour chanter avec lui tous ses classiques. Classique, c’est le mot le plus évident pour décrire Piché aujourd’hui, tant son répertoire est totalement intégré dans la mémoire collective des Québécois. Y’a pas grand-chose dans l’ciel à soir, L’escalier et tous les autres succès sont rentrés comme une tonne de briques appuyés par la section rythmique de Piché, la moitié d’Octobre, Pierre Hébert et Mario Légaré.
Crédit photo: Alexya Crôteau-Grégoire
C’est Bon Enfant qui termine la soirée, de retour au site de la Vieille Forge. La troupe de Daphné Brissette et Guillaume Chiasson craignait de jouer devant une salle vide, comme c’est un dimanche soir, mais c’est un parterre de fans conquis d’avance qui les attend. Enchaînant les pièces de ses deux albums, le groupe envoie une énergie contagieuse qui met tout le monde d’accord. Aujourd’hui, Astronaute amateur, Ciel bleu et évidemment Magie font sauter et danser le public jusqu’à épuisement.
Crédit photo: Alexandre Cotton
Que dire pour conclure ce recap d’un séjour incroyable à Petite-Vallée? Après une seule journée, le cynique intérieur mange la volée de sa vie. Quitter en regardant la mer s’étendre à l’horizon nous donne une seule envie. Revenir l’an prochain.